Pont de Barcarin

 PONT DE BARCARIN
 TEMPÊTE SUR LE RHÔNE

En 2017, le Département des Bouches-du-Rhône a décidé de relancer les études pour la création d’un pont permettant de franchir le Rhône entre Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône. Après avoir mené les études préliminaires, le Département a ouvert une nouvelle phase de la concertation publique sur ce projet. Les associations France Nature Environnement Bouches-du-Rhône, Agir pour la Crau et Naccica émettent conjointement les remarques suivantes :

Organiser la confrontation et non la concertation

Le Département assure vouloir recueillir les observations et contributions notamment sur les enjeux et les contraintes du site ainsi que sur les variantes d’aménagement. Or, la concertation est l’action de débattre, dans le cadre d'un dialogue engagé entre tous les acteurs concernés, qui échangent leurs arguments, afin de prendre en compte les divers points de vue exprimés et de faire ainsi émerger l’intérêt général, en amont de la mise en forme d’une proposition, avant de s’accorder en vue d’un projet commun.


Dans ce cadre précis, la population ainsi que les organisations idoines sont mises devant le fait accompli d’un projet déjà bien engagé et ficelé. Consultation, il y aurait pu y avoir, si les citoyens et les différentes structures, notamment de protection de l’environnement, avaient pu participer de manière organisée et démocratique aux études préliminaires. Ce qui n’est absolument pas le cas.


Le rapport de l’étude préliminaire publié en juin 2021 ancre définitivement le futur dispositif dans le cadre d’un schéma routier sans qu’aucune autre alternative ne soit analysée. Les seules variantes

possibles laissent le choix à chacun entre un pont et un pont, la latitude étant la seule variable d’ajustement.


Le groupe de concertation constitué pour l’occasion et qui s’est réuni pour la première fois le 05 octobre 2021, soit à peine 13 jours avant la présentation à la population n’aura pas eu plus grande marge de manœuvre et de réflexion.


Ce faisant, le Département pose les bases d’une contradiction qui n’est souhaitable par personne : les « pour le pont » et les « contre le pont ». La confrontation est ainsi organisée, sans débat démocratique en quelques semaines seulement pour un projet dont le premier débat remonte à 1904.

Une justification du pont plus que sommaire et fallacieuse

La principale justification de l’utilité du pont est financière. L’exploitation actuelle du Bac coûterait 5 millions d’euros par an à la collectivité. Même si l’on comprend tout à fait les préoccupations autour du caractère déficitaire du service rendu, aucune analyse exhaustive n’est aujourd’hui avancée pour justifier un tel projet.


Le rapport mentionne un référendum d’initiative locale lancé en 2017 qui aurait été largement an faveur du remplacement des bacs par un pont. Ces propos sont fallacieux. Il n’y a jamais eu de référendum d’initiative locale selon les modalités de la loi organique du 1er août 2003 qui précise qu’un projet soumis au référendum local est adopté « si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s’il réunit la majorité des suffrages exprimés. Si cette dernière condition est remplie, le référendum vaut décision que la collectivité locale organisatrice doit juridiquement appliquer ».


Dans le cas contraire, la consultation n’a que la portée d’un avis consultatif.

Ce qui est la cas en l’espèce, le Département passant sous silence l’ensemble des voix qui s’élèvent pour s’opposer à ce projet.

Une véritable opacité sur les dysfonctionnements actuels et les solutions à apporter

En l’état, le rapport est incapable d'acter et de caractériser les dysfonctionnements du bac actuel et les désagréments que cela génère pour la population locale :



• Nombre de jours de blocage liés à des dysfonctionnements ?

• Causes des dysfonctionnement ?

• Nombre de personnes impactées ?

• Coûts d’exploitation de ces dysfonctionnements pour la collectivité et la population locale ?


Quelques aléas sont mentionnés comme ayant perturbé son fonctionnement. Comme si le pont était l’alpha et l’oméga pour le village des Salins-de-Giraud, ouvrage mettant définitivement les citoyens à l’abri d’accidents, de mouvements de grève, d’intempéries.... ?


L’impasse totale est faite sur les véritables possibilités d’amélioration du fonctionnement du bac (fréquences plus régulières, amplitude horaire élargie, matériel renouvelé plus "propre", meilleure efficacité économique...)

Les erreurs et aberrations de l’analyse socio-économique

Le rapport pointe une économie substantielle cumulée de 41.7 M€ à l’horizon 2050 entre l’hypo thèse « Fil de l’eau = bac » et « pont sans péage ». Mais elle fait volontairement l’impasse sur le coût d’investissement du pont soit 40 M€.


Ainsi, si de manière juste, on compare les 2 hypothèses sous l’angle financier, on obtient (Hypothèse Coût global : investissement + exploitation)

  • Fil de l’eau = bac - 130 800 000 €
  • Pont sans péage - 89 100 000 + 40 000 000 = - 129 100 000 €
  • Soit un écart de – 1 700 000 €


Les économies annoncées ne sont pas du tout celles qui sont présentées, comme si au final ce n’était pas la collectivité, à savoir les citoyens, qui payait la construction du pont. De plus, les conditions de financement de cette infrastructure ne sont pas du tout présentées à la population, et, dans une

situation de contraintes budgétaires fortes, aucune certitude ne peut être apportées quant à son financement. Ainsi, le Département légitime son action sur la base d’un déficit annuel de 5 M€ mais peut trouver facilement les 40 dont il a besoin.

Un projet non aligné avec les objectifs climatiques

Au-delà des reports de trafic local entre RD35 et RD36 identifiés par les modèles de trafic "toutes choses égales par ailleurs", l'appel d'air que créerait le pont pour de nouvelles activités génératrices de trafic sur Salin-de-Giraud et pour du flux touristique routier au travers de la Camargue va à l'encontre de toutes les recommandations actuelles en matière de limitation des nuisances et des émissions de polluants et autres gaz à effet de serre.


Dans le cas du scénario du pont gratuit, le trafic sur le pont de Barcarin serait de 2700 véhicules/jour (+900 véhicules/jour), soit une augmentation de 50%. Concernant les PL, 130 PL/jour emprunteraient le bac au lieu de 50 en 2035 (+80 PL/jour) soit une augmentation de +160%.


Selon le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat, « les deux-tiers de la population française est déjà fortement ou très fortement exposés au risque climatique." En dépit de la baisse des émissions de 1,9% en 2019 et estimée à 9,2% en 2020 du fait de la mise à l'arrêt de l'économie par la pandémie de Covid-19, le Haut Conseil pour le climat estime les efforts actuels insuffisants pour garantir l'atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre que s'est fixée la France. Rappelons que les transports participent à hauteur de 31% aux émissions de gaz à effet de serre.


Ce projet est donc incompatible avec les engagements de l’Etat français en terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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